Présentations du Symposium de Neuroéducation de Collioure 2014

Vous trouverez les résumés et les textes en pdf de l’intégralité des conférences présentées au symposium sur la neuroéducation organisé à Collioure les 16 et 17 mai 2014 par INI. Chaque  texte est suivi d’une série de vignettes  que vous pourrez découvrir en cliquant sur le nom du conférencier à la fin de son texte (le téléchargement peut prendre de quelques dizaines de secondes à plus d’une minute). Nous remercions profondément tous les intervenants de leur participation à ce colloque. Nous sommes aussi très sensibles  à leur accord pour publication de leurs conférences sur notre site.  Nos remerciements vont aussi au vaste public qui a participé activement aux débats et a ainsi ouvert la voie à de nouvelles possibilités de recherches et de pratiques grâce à la pertinence de ses questions. Ce deuxième symposium peut être qualifié de riche en enseignements.  Les journées de neuroéducation de Collioure seront renouvelées en mai 2015. Nous vous tiendrons au courant sur ce site des prochaines activités d’INI en France et à l’étranger.

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Brigitte Vincent-Smith, Professeur de Didactique des Langues Étrangères/Secondes (Ottawa, Canada)
et
Dr. Pierre Huc, Neurologue et Psychiatre
« Introduction à la neuroéducation »

La Neuroéducation confronte les méthodes d’enseignement et d’apprentissage aux récentes avancées des neurosciences sur le fonctionnement cérébral. La neuroimagerie fonctionnelle et l’électrophysiologie ont en effet affiné nos connaissances sur la  plasticité cérébrale et les  neurones miroirs.
L’intérêt de la méthode syllabique dans l’apprentissage de la lecture ou l’importance majeure de l’oral dans l’enseignement des langues étrangères ou secondes sont deux exemples d’applications pratiques.
La dyslexie découle d’anomalies neurologiques objectives d’origine génétique ; une rééducation spécifique amène d’excellents résultats.
Les hypothèses séduisantes du mimétisme et du « troisième cerveau » corollaires des neurones miroirs, de J.M. Oughourlian, disciple du philosophe René Girard, et leurs applications en enseignement et apprentissage sont abordées.
Les neurones miroirs apportent de même une légitimation neurologique au parallèle entre théâtre et  enseignement, conséquence du principe d’adhésion (Y. Bressan, S. Hamdi) dont l’impact pédagogique est brossé.
Les diverses intelligences ou, mieux, les diverses aptitudes, doivent enfin être prises en considération dans une perspective actionnelle, une pédagogie de projets différenciés, diversifiés, s’intéressant aux quatre habiletés, visant l’interdisciplinarité, la transversalité des connaissances, le bilinguisme voire  le multilinguisme à un niveau individuel ou collectif où recherche et réaction ont leur place à part entière.

Il est strictement interdit de reproduire en partie ou en totalité le texte et les illustrations de cette présentation sans l’autorisation écrite des auteurs, le Dr Pierre Huc et le Professeur Brigitte Vincent-Smith.

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Huc Smith2014

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Prof. Fawzia Chéliout-Héraut
Neurophysiologiste, Faculté de Médecine de Paris Ouest
« Les Neurones Miroirs »

La découverte des « neurones miroirs » par le neurophysiologiste Giacomo Rizzolatti en 1990 représente une avancée importante dans la connaissance du fonctionnement complexe du cerveau. Les « neurones miroirs » ont été découverts chez le singe (macaque), d’abord dans le cortex prémoteur ventral du lobe frontal (aire f5) puis dans le lobe pariétal inférieur (ipl), formant ainsi un réseau synergique s’impliquant à l’origine des actions motrices. Ces neurones ont été appelés « neurones miroir » car ils sont mis en action dans deux situations : 1) lorsque le sujet effectue un acte moteur dirigé vers un but (soi), 2) lorsque le sujet observe un congénère effectuer le même acte moteur (autrui). Ce système permet au cerveau d’un individu de faire un lien entre son propre programme moteur et l’action motrice réalisée par un autre individu. Cette programmation motrice propre à l’individu ne nécessite pas l’information visuelle, elle peut être mise en jeu par d’autres indices sensoriels. Chez l’homme de nombreux travaux ont mis en évidence l’existence de systèmes miroirs plus complexes, organisés en deux réseaux : (1)  un réseau fronto-pariétal identique à celui du macaque, et (2) un réseau dans le système limbique. Des données humaines récentes impliquent le système miroir dans les fonctions motrices, mais aussi dans la compréhension de l’intention, dans l’apprentissage par imitation, dans l’apprentissage du langage voire dans l’empathie et l’émotion. Le rôle du «système miroir » dans la cognition sociale suscite de nombreuses interrogations. Les études sont loin d’être terminées et l’on peut s’attendre dans un proche avenir à de nouvelles avancées.

Il est strictement interdit de reproduire en partie ou en totalité le texte et les illustrations de cette présentation sans l’autorisation écrite de l’auteure, la professeure Chéliout-Héraut.

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NEURONES MIROIRS 2014

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Prof. Line Laplante, Université du Québec à Montréal
« Les neurosciences cognitives : opportunités et défis pour les sciences de l’éducation »

Les récentes avancées technologiques en imagerie cérébrale ont permis le développement rapide des connaissances dans le champ des neurosciences. Notamment, il est désormais possible d’observer l’activité cérébrale pendant des tâches de lecture-écriture et ce, tant chez le normolecteur que chez le lecteur qui présente une difficulté, voire un trouble spécifique d’apprentissage de la lecture (dyslexie). Récemment, les chercheurs ont commencé à s’intéresser aux modifications des patrons d’activation cérébrale dans une perspective développementale, lorsque l’enfant fait ses premiers pas dans l’univers de l’écrit. L’objectif de la conférence est de faire état des principales connaissances scientifiques issues des neurosciences, en particulier des neurosciences cognitives, au regard de l’apprentissage de la lecture-écriture, et des difficultés et troubles qui y sont associés. Plus spécifiquement, nous traiterons de la contribution de ces connaissances à la compréhension des facteurs pédagogiques et didactiques susceptibles d’influencer cet apprentissage, lequel est considéré comme étant l’un des plus complexes à réaliser par le cerveau humain. Quelles sont les opportunités et quels sont les défis pour les sciences de l’éducation ?

Il est strictement interdit de reproduire en partie ou en totalité le texte et les illustrations de cette présentation sans l’autorisation écrite de l’auteure, la professeure Line Laplante.

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Apprentissage Lecture Ecriture

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Prof. Julien Mercier
Directeur, Neurolab, Université du Québec à Montréal
«Les  opportunités manquées  dans l’apprentissage : l’apport des neurosciences»

Cette présentation met en l’avant l’idée “d’opportunités manquées” dans l’apprentissage, selon l’hypothèse que la rareté de  l’information concernant les dispositions affectives et cognitives nécessaires à l’apprentissage dont l’apprenant (et éventuellement l’enseignant) dispose durant des activités d’apprentissage mène à des efforts d’apprentissages (et à du support) suboptimaux. En tant que réponse potentielle à ce manque d’information, les méthodologies des neurosciences cognitives et affectives peuvent fournir de l’information pertinente pendant ou après une activité d’apprentissage, et il est possible que cette information puisse servir de levier à l’apprenant (et éventuellement l’enseignant). Les construits décrits et opérationnalisés dans ce contexte incluent l’attention, la charge cognitive, les émotions académiques, la motivation, l’intérêt, et l’engagement, qui peuvent être mesurés dans le contexte d’une activité d’apprentissage authentique (laquelle peut inclure un co-apprenant ou un enseignant) au moyen du suivi oculaire, de l’électroencéphalographie, de la conductance électrodermale, de l’électrocardiographie, et de senseurs de respiration.

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Joël Thomas
Professeur émérite, Université de Perpignan-Via Domitia
« Histoire des représentations et des théories sur la mémoire »

La mémoire est la matrice indispensable de tous les apprentissages d’homo sapiens. D’où la profusion d’interprétations et de théories tendant à représenter son fonctionnement. D’abord rattachée, dans l’Antiquité, au monde du sacré (Mnémosyne est la déesse de la mémoire, les Muses sont ses filles), elle est intégrée par Platon dans une théorie générale de la connaissance. Les rhéteurs s’intéressent non plus à la réminiscence, mais aux processus de la remémoration, à des  fins mnémotechniques. Le Moyen Âge, puis dans une certaine mesure les XVIIème-XVIIème, prolongent  cette problématique, jusqu’à ce que, à partir du XIXème, la mémoire soit considérée comme la nature matérielle, ce qui rend possible selon son  étude expérimentale. D’où les métaphores désormais utilisées : la photographie, le phonographe, puis l’ordinateur et l’hologramme. Toutes trouveront leurs limites devant la complexité de la mémoire, soulignée par la confrontation de l’art et de la littérature au mystère du souvenir. C’est peut-être une comparaison avec l’imaginaire alchimique qui nous donnera, in fine, la meilleure représentation de la mémoire.

Il est strictement interdit de reproduire en partie ou en totalité le texte et les illustrations de cette présentation sans l’autorisation écrite de l’auteur, le professeur Joël Thomas.

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Prof Thomas Representations Memoire

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Prof. J. Touchon
Faculté de Médecine de Montpellier
« Les mémoires, leurs relations avec la création artistique »

Comment définir la mémoire … La tête d’une jeune femme, le regard détourné, le rouge vif d’une blessure tout près de l’œil à droite, le front ceint par un lien blanc, la mer et le ciel en bleus contraste derrière, espace sans limites barré pourtant par le pourpre d’une tenture sombre et à la droite du visage une sphère fendue, une feuille délaissée. C’était cela la mémoire pour Magritte en 1948, mais d’autres tableaux à la même époque furent dénommés ainsi comme pour nous signaler que la mémoire est multiple. Mais on retrouve chaque fois ce visage de femme blessée et souvent un ciel barré en parti masqué avec ces sphères fendues qualifiées de grelots qu’il décrit en 1938 dans La ligne de vie  »comme des plantes dangereuses au bord de gouffres ». Effectivement des scories de mémoire peuvent dans leur insistance nous rapprocher du gouffre. Ce que je dis de ce tableau n’est que ce que j’en dis. Mais que pourrais-je en dire d’une autre de mes places, celle du neuropsychiatre que la mémoire intéresse. Il n’y a pas de mémoire sans trace, parfois si douloureuse et dangereuse comme le grelot. Elle est marquée par le temps comme pourrait le signaler la feuille tombée et délaissée. Elle ouvre un espace sans limites, mais elle peut être barrée  par l’oubli et le refoulement comme ce sombre rideau semble l’indiquer. Mais il ne peut y avoir mémoire sans oubli, les fleuves Mnemosis et Léthé sont liés dans une complémentarité contraire.

La mémoire est multiple nous disait Magritte. Effectivement elle l’est: court terme et long terme, implicite et explicite, épisodique et sémantique, procédurale enfin.

Le court terme s’inscrit dans une durée n’excédant pas quelques minutes, classiquement deux minutes et sa capacité est limitée. La mémoire sensorielle inaugure le court terme, elle est fugace et multimodale: visuelle, auditive, olfactive, tactile, gustative. Elle est de durée extrêmement brève et conserve pendant quelques secondes l’information transmise par les organes sensoriels à la suite d’une perception. La mémoire court terme permet de relier les différentes informations sensorielles perçues à un moment donné et de les retenir le temps nécessaire à leur traitement, on parle alors de mémoire de travail. Ces éléments retenus dans ce court terme vont permettre de réaliser une opération cognitive avant de disparaître ou dans certains cas être sélectionnés consciemment ou non pour s’inscrire dans le long terme. Ce passage au long terme peut se faire consciemment  à la suite d’un effort cognitif: c’est la mémoire explicite. Il peut aussi se faire inconsciemment, sans effort de mémorisation: c’est la mémoire implicite. La mémoire long terme elle-même se décline en trois modalités : épisodique, sémantique et procédurale.

La mémoire épisodique concerne les événements de notre propre vie avec leur contexte spatial, temporel et émotionnel particulier. Ainsi elle permet le souvenir conscient d’un événement que nous avons vécu, mais aussi celui du lieu et du moment où il s’est produit.
La mémoire sémantique est décontextualisée et renvoie aux connaissances générales pour une culture donnée indépendamment de leur contexte d’acquisition.
La mémoire procédurale permet d’acquérir des habiletés, de les stocker et de les restituer sans faire référence aux expériences antérieures. La pratique du vélo, par exemple, dépend de ce type de mémoire; nous pédalons sans nous rappeler explicitement les procédures et sans conscience du moment où nous les avons apprises.
Si nous envisageons à titre d’exemple les attentats du 11 septembre 2001, en mémoire sémantique nous pouvons évoquer : les avions, les twin towers, NewYork, les milliers de morts, le terrorisme, Benladen, la guerre en Irak qui a suivi, le mensonge bushien sur les armes de destruction massive… Cette même date en mémoire épisodique renvoie au  souvenir du moment où nous avons appris les attentats, du lieu où nous étions, des personnes qui étaient avec nous, des sentiments qui nous ont saisis …
Si par contre j’évoque le 14 juillet 2013 les souvenirs en mémoire sémantique émergent facilement: prise de la Bastille, fête de la République, défilé militaire, fête dans les villages, feu d’artifice … Mais si j’évoque cette même date en mémoire épisodique  le souvenir de ce que j’ai fait ce jour-là risque d’être extrêmement pauvre à moins d’avoir vécu des événements charges d’émotion.
En effet le lien entre mémorisation et émotion est extrêmement étroit, les circuits neuronaux qui les sous-tendent sont très proches anatomiquement et étroitement liés fonctionnellement. Ce lien est en fait nécessaire et permet une sorte d’économie cognitive: on se souvient des éléments critiques et l’on oublie les éléments triviaux. « Tout ce qui touche le cœur se grave dans la mémoire » écrivait Voltaire. Souvent d’ailleurs  le souvenir vient s’inscrire dans les rets de sensations diverses. Ainsi peut s’expliquer l’émergence parfois incongrue d’îlots de mémoire à la faveur d’une expérience sensorielle souvent banale. La référence aux madeleines de Proust, épisode tellement célèbre, est inévitable; on pourrait dire même qu’elle participe de la mémoire sémantique de bien des sujets au-delà du champ restreint des proustiens distingués. « … Je portais à mes lèvres une cuillerée de thé où j’avais laisse s’amollir un morceau de madeleine. Mais à l’instant même où la gorgée mêlée de miettes de gâteau toucha mon palais, je tressaillis… Tout d’un coup le souvenir m’est apparu… Quand d’un passé ancien, rien ne subsiste, après la mort des êtres, après la destruction des choses, seules plus frêles, mais plus vivaces, plus immatérielles , plus persistantes, plus fidèles, l’odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes , à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leurs gouttelettes presque impalpable , l’édifice immense du souvenir ». Sensations, émotions et souvenirs sont ainsi intimement liés. « Spinoza avait raison », essai passionnant d’Antonio Damasio où il souligne le génie visionnaire  de l’auteur de l’Éthique. En effet on ne peut concevoir la pensée et la mémoire sans référence aux émotions et au corps. « Mens  et corpus una, eademque res fit ». Paul Valéry nous le dit si souvent:  » Et que serait telle pensée si elle n’avait pas une gorge a serrer, des glandes à tarir, une tête à enflammer, un souffle à comprimer, des mains à agiter, des membres à paralyser ».
L’artiste vit au quotidien ces entrelacs de chairs, d’humeurs, de pensées et de mémoires. « Création, écrivait Bergson, signifie avant tout émotion. C’est elle qui pousse l’intelligence en avant… C’est elle qui vivifie les éléments intellectuels avec lesquels elle fera corps… » L’artiste et en particulier l’acteur plus que d’autres vit régulièrement ces engrènements de corps, d’émotion et de mémoire. L’objet émotionnellement compétent  est souvent une expérience sensorielle simple ou multimodale s’appuyant alors sur plusieurs registres de la sensorialité. C’est le goût et l’odeur des madeleines qui vont ainsi faire surgir à la conscience ce qui semblait englouti à jamais et ce surgissement va d’abord s’exprimer dans le corps: « je tressaillis » écrivit Proust.  » L’esprit et le corps sont une même chose » affirmait dans l’Éthique Spinoza s’opposant à son grand péril à la division cartésienne qui prévalait à son époque. Nous l’acceptons maintenant et le langage populaire en témoigne: avoir le trac par exemple c’est avoir le cœur serré, au bord des lèvres, qui bat la chamade, ou la bouche sèche et les jambes en coton …L’émergence du souvenir se fait ainsi souvent dans le « tressaillement » du corps. Mais parfois le lien entre ce tressaillement, l’expérience vécue  et le souvenir semble obscur ou même absent. Ce lien a-t-il été englouti dans l’oubli ou masqué par le refoulement ? Comme l évoque Freud dans « Notes sur le bloc-notes magique » tout souvenir s’inscrit, laisse une trace, mais tout ce qui est inscrit n’est pas à volonté accessible à la conscience: la trace peut s’occulter ou feindre de s’effacer.

Certaines fluctuations affectives faciliteront apprentissage et remémoration d’autres au contrairement objectivement ou subjectivement négatives vont les altérer. L’anxiété, en particulier, peut être la meilleure des compagnes pour mémoriser, mais aussi notre pire ennemie. Des 1903 Pierre Janet dans son ouvrage « Les obsessions et la psychasthénie  » signalait cette relation particulière. Bien plus tard Hebb en1955 en précisait le paradoxe: il existe pour chacun un niveau idéal d’anxiété favorisant la mémorisation. Il décrivait ainsi une courbe en U renversée: l’absence d’anxiété comme son excès ne permette pas un processus mnésique optimal. Ce processus se scande en trois temps: encodage, stockage et récupération. Même si les structures neuronales permettant le stockage fonctionnent parfaitement celui-ci ne pourra être opérant que si l’entrée en mémoire comme sa sortie ne sont pas altérées par un niveau d’anxiété ou de stress insuffisant ou au contraire et surtout excessif. Les conférenciers, les étudiants et en particulier les acteurs en savent quelque chose ! À partir d’un certain seuil, variable selon les individus, le stress va altérer la mémoire de travail, mobiliser les capacités attentionnelles du sujet le mettant en situation de double tâche et gêner ainsi l’encodage comme la récupération. Qui ne s’est pas déjà trouvé dans une pièce se demandant ce qu’il venait y chercher ? Distrait par diverses préoccupations stressantes l’idée de l’action que nous avions projeté de faire n’a pas été encodée et n’ayant pas laissé de trace elle ne peut être récupérée. De la même façon un niveau de stress trop important, ou simplement une émotion trop prégnante nous interdira d’accéder à ce que nous avions pourtant bien mémorisé. Les fluctuations émotives qu’elles soient déclenchées par des représentations internes ou des situations externes vont moduler nos possibilités de récupérer ce qui a été mémorisé. L’acteur en est parfaitement conscient et s’appuie sur son thesaurus de représentations internes pour faire jaillir en lui les mots et leur inscription corporelle. Il apporte ainsi réponse à Hamlet quand il déclame : « n’est-ce pas monstrueux que ce comédien, ici, dans une pure fiction, dans le rêve d’une passion, puisse si bien soumettre son âme à sa propre pensée, que tout son visage s’enflamme sous cette influence, qu’il a les larmes dans les yeux, l’air de la folie, la voix brisée, et toute sa personne en harmonie de forme avec son idée ». C’est encore Baruch Spinoza qui nous aide à comprendre car écrit-il: « l’homme est affecté du même sentiment de joie et de tristesse par l’image d’une chose passée ou future et par l’image d’une chose présente » ainsi les objets émotionnellement compétents peuvent être réels ou remémorés, mais aussi anticipés. Cette anticipation permet d’expliquer l’angoisse de performance ou tout simplement le trac: «peur ou angoisse irraisonnée que l’on ressent avant d’affronter le public, de subir une épreuve, d’exécuter une résolution, et que l’action dissipe généralement «comme défini dans le Robert. Et l’exemple donné illustre bien ce dont il s’agit:  » au fond cet article du Gaulois me donne le trac. Car, si ce soir, il y a quelques sifflets, avec tout ce qu’il y aura  dans la salle de mauvaises dispositions latentes chez la plupart de mes confrères, c’est une partie compromise, un four quoi, encore. » écrivaient  dans leur journal les frères de Goncourt. « Car si ce soir… » voilà l’anticipation pessimiste pourvoyeuse de trac. Les sifflets évoqués renvoient probablement à une expérience antérieure, objet émotionnellement compétent qui remémoré et réactualisé va entraîner dans l’esprit et le corps du sujet l’état de panique qu’évoquait Valéry. Et si la réalité rejoint le fantasme, si les sifflets redoutés effectivement se produisent  c’est « le four » pour reprendre l’expression des frères Goncourt, le gouffre et la déliquescence brutale du corps et de l’âme. Et dans cette déliquescence désespérée la mémoire n’a plus cours, le flot des mots se tarit: c’est le trou. Ce phénomène, le « syndrome de blocage mnésique » a bien été analyse par H. Markowitch en 1998: il s’agit de l’incapacité d’accéder aux souvenirs à la suite d’une expérience stressante et traumatisante. L’émotion induite aurait un impact sidérant sur les structures impliquées dans l évocation mnésique  provoquant une dysconnection entre les structures dévolues à la restitution telles que le lobe frontal et celles impliquées dans le stockage comme le lobe temporal interne et en particulier l’hippocampe. Mais le trou de mémoire, cette mise en abime du sujet pour reprendre une expression de Lacan n’est pas une aventure solitaire: l’objet émotionnellement compétent avec ces trois modalités temporelles, présent mais aussi passé et futur par anticipation, fait référence à l’autre. Le danger, le « mangeur de mémoire » c’est l’autre, le regard de l’autre. L’autre s’introduit brutalement dans le champ du sujet sous la forme de représentations subjectivement dangereuses actuelles, passées ou anticipées.

Ainsi sensations et émotions sont les inévitables compagnes de la mémoire et de l’oubli, elles permettent à ces deux fleuves contraires, Mnémosis et Léthé, de curieuses rencontres, des résurgences surprenantes, des disparitions inquiétantes … L’artiste le sait bien, il n’y a pas de création sans mémoire ni de mémoire sans souffrance… « Nul n’a jamais  écrit ou peint, sculpté, modelé, construit, inventé que pour sortir, en fait, de l’enfer » écrivait Antonin Artaud.

Il est strictement interdit de reproduire en partie ou en totalité le texte et les illustrations de cette présentation sans l’autorisation écrite de l’auteur, le professeur Jacques Touchon.

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Prof Touchon Memoire Stress Artiste

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Prof. Sami Slimi
Didacticien et Inspecteur de français dans les écoles préparatoires et dans les lycées secondaires en Tunisie

Le projet annoncé par M. Sami Slimi au premier Symposium de Collioure en juillet 2013, à savoir,  la tenue du premier Symposium International de Neuroéducation en Tunisie ainsi que la création d’un premier noyau de l’INI dans la zone Maghreb/Afrique, s’est effectivement concrétisé dans la circonscription de Bizerte, territoire professionnel et pédagogique de M. Slimi, membre du conseil scientifique dINI, formateur, didacticien et Inspecteur de français dans les écoles préparatoires et les lycées secondaires.

Il est strictement interdit de reproduire en partie ou en totalité le texte et les illustrations de cette présentation sans l’autorisation écrite de l’auteur, le professeur Sami Slimi.

 

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Prof Slimi Neurodidactique Tunisie

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 Dr Safouane Hamdi (Laboratoire de biochimie et biologie moléculaire, CHU Toulouse/Université Paul-Sabatier) et Yannick Bressan ( Docteur en sciences humaines, metteur en scène et chercheur en psychologie cognitive, Université de Strasbourg)
« Le principe d’adhésion : des origines aux perspectives »

Cette conférence, donnée au Symposium de Neuroeducation de Collioure de 2014, présente trois parties.
La première partie a traité de la problématique cours magistral. En tant que méthode pédagogique, il a fait l’objet d’une abondante littérature qui a traité des ses avantages et surtout de ses inconvénients. Les équipes enseignantes ont tenté de pallier à ces critiques en apportant des modifications de forme et de fond. Deux évolutions ont cependant sérieusement ébranlé le cours magistral : d’abord, les méthodes pédagogiques dites « actives », centrées sur les étudiants et ensuite, les technologies numériques qui connaissent un essor important depuis quelques années. L’apparition récente des cours en ligne à audience massive (ou MOOC en anglais) et leur succès fait bouger les lignes sur les plans pédagogiques et économiques et amène les Universités à se positionner sur ce sujet. Malgré ces évolutions, le cours magistral reste encore la pierre angulaire de l’enseignement universitaire. La littérature qui porte sur le cours en tant qu’objet de recherche est plus discrète, plus pointue. Les cadres théoriques sont divers : historiographique, philosophique, linguistique,…et confirment la complexité et l’intérêt du sujet. C’est probablement en approfondissant ces recherches que pourront émerger les raisons de sa longévité.
La seconde partie a traité du principe d’adhésion mis en évidence par Yannick Bressan au cours d’une expérience multidisciplinaire réalisée en 2008 au CHU de Strasbourg en collaboration avec le Théâtre national. L’objectif a été de comprendre les processus neuro-cognitifs mis en œuvre chez le spectateur qui substitue la réalité scénique que propose la représentation théâtrale à la réalité physique. Les résultats neuro-physiologiques couplés à une approche neurophénoménologique ont révélé un basculement de conscience chez le spectateur qui permet cette substitution et qui est très dépendant des effets de mise en scène. Le principe d’adhésion émergentiste se définit donc comme un comportement contextualisé et sous-tendu par des processus physiologique et cognitifs définis. Ce principe est potentiellement mis en œuvre dans d’autres champs : marketing, politique et éducation
La troisième partie a présenté l’extension du principe d’adhésion au champ pédagogique. L’extension s’est faite initialement sur une base intuitive puis formalisée et conceptualisée par les auteurs. L’hypothèse que posent les auteurs est que le cours magistral est un exercice ontologiquement théâtral. Une approche phénoménologique couplée aux données de l’historiographie tend à confirmer cette hypothèse. De manière intéressante, et dans un but essentiellement praxéologique, la littérature identifie le théâtre comme une métaphore pertinente pour le cours. Les auteurs proposent que cette proximité permet le transfert analogique du principe d’adhésion et montrent que cette adhésion ne peut-être obtenue que par une mise en scène pédagogique subordonnée à l’intention de l’enseignant.
Dans la dernière partie de la présentation, les auteurs ont proposé que la Neuroéducation constitue le paradigme d’étude du principe d’adhésion avec ses concepts et outils expérimentaux spécifiques. Ils ont également présenté les perspectives de recherche, centrées notamment sur le cours magistral et qui pourraient permettre son renouvellement. 

Il est strictement interdit de reproduire en partie ou en totalité le texte et les illustrations de cette présentation sans l’autorisation écrite de l’auteur, le professeur Safouane Hamdi.

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Professeurs Hamdi et Bressan : mise en scène pédagogique